Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
16 novembre 2016 3 16 /11 /novembre /2016 11:17

Ainsi donc, le doute devrait incessamment se dissiper, du moins pour ceux qui en avaient encore un : le jeune Macron sera candidat à la présidentielle. Comme Donald Trump il y a peu, il se présente volontiers comme n’appartenant pas au « système », ce qui est supposé rassurer le gogo. Énarque, inspecteur des finances, et banquier d’affaires avant de devenir secrétaire général adjoint de l’Élysée, puis ministre, et tout cela avant d’avoir atteint quarante ans : effectivement, on voit du premier coup d’œil, à la lecture de ce CV, que l’on est en présence d’un pur « outsider ».

Ce garçon, qui a été proche du Mouvement des citoyens de Chevènement, et qui a également été membre du PS, a claironné haut et fort qu’il n’était pas socialiste. Si l’on me demande mon avis, il aurait pu aller plus loin et dire qu’il n’était pas non plus « de gauche ». Il se veut transpartisan, un terme que je n’entends jamais sans repenser aussitôt au boucher de Coluche : « Je suis pas de droite. Et encore moins de gauche ». À la vérité, ce jeune homme est autant de droite qu’on peut l’être : rappelons qu’il n’avait accepté de soutenir la loi Travail que si le texte remaniait en profondeur le licenciement économique et le plafonnement des indemnités prud’homales. Autant dire que ce garçon faisait siennes les exigences les plus extrémistes du MEDEF. Et je n’imagine pas une seule seconde qu’il puisse changer, bien au contraire… Les gogos de gauche qui se disent prêts à voter pour lui n’ont qu’à bien se tenir, et il ne faudra pas qu’ils comptent sur moi pour les plaindre : ce n’est pas parce qu’on est dépité qu’on doit renoncer à toute raison et voter avec ses pieds !

Cela étant, on peut se poser nombre de questions.

Pourquoi est-il, même brièvement, entré au PS ? La réponse est d’une lumineuse simplicité : parce que le PS a renoncé à toute conviction (je n’ose même pas écrire « idéologie ») pour devenir un bête parti de gouvernement. Dans cette optique, qu’a-t-il à faire des idées ? L’objectif, le seul, est pour ses dirigeants d’arriver à caler leur fesses dans les beaux fauteuils de la République. Plus aucun de ces gens, Hollande, Valls, Ayrault, Sapin, Cambadélis, Bartolone, Urvoas, El Khomri, etc. n’est socialiste. Se souviennent-ils encore seulement du sens de ce mot ? Je suis même persuadé qu’ils sont tous profondément de droite. Oui, mais voilà : à droite, du côté des Républicains, c’est bouché. Il y a un sacré encombrement de gens qui sont là depuis une éternité : et pour leur passer devant, c’est mission impossible. Reste alors la solution d’un parti d’alternance : sur un malentendu, si les gens qui n’hésitent pas à se dire de droite font vraiment trop de conneries, les gens du PS ont une chance d’arriver au pouvoir. Le petit Macron, dont les dents rayent le parquet, a donc considéré que c’était la voie qui lui laissait la plus grande marge de manœuvre, notamment compte tenu de la médiocrité des éléphants

Pourquoi ce pur produit de l’idéologie ultralibérale a-t-il jugé utile d’intégrer un gouvernement dit « socialiste » (notez les guillemets qui sont censés agir comme un gel hydroalcoolique désinfectant) ? Là encore, pur choix stratégique. Le petit Macron, dont les dents rayent le parquet, avait dès le début pour ambition de briguer la présidence de la République. Mais ça coûte très cher, ce genre d’ambition, d’autant que cela peut prendre du temps. Et le temps, le petit Macron n’en a pas : il a bien compris que les modes sont éphémères, et que les occasions ne se représentent pas souvent. Devenir ministre, c’était bénéficier instantanément d’une couverture médiatique gratuite phénoménale. Et quand le ministre commence à la jouer perso, à lancer des petites phrases, à « faire entendre sa petite musique » comme disent les plumitifs, alors là, c’est le jackpot, question publicité… Macron n’en avait rien à cirer, du gouvernement socialiste : il n’a vu qu’une formidable opportunité de se faire connaître de la France entière sans que ça lui coûte un centime d’euro…

La dernière est sans doute la plus terrible : Pourquoi François Hollande l’a-t-il choisi, choyé et installé dans un fauteuil de ministre ? On pourrait s’imaginer qu’il a été abusé par un malfaisant sournois et perfide, mais ça serait faire encore trop d’honneur au Président que de le voir en naïf. Non, Hollande se voit, se vit, comme un Machiavel du XXIème siècle. Il avait déjà tenté le coup en 2015, avec le débat sur la déchéance de nationalité, par lequel il avait tenté de piéger la droite, avant que la manœuvre ne se retourne piteusement contre lui. Eh bien, avec Macron, c’est la même chose : il a jugé qu’il pourrait utiliser le jeune homme pour rogner les ailes de Manuel Valls en lui lançant un rival dans les pattes (métaphore hardie, j’en conviens). À aucun moment, convaincu qu’il était seul maître du jeu, il n’a imaginé que son petit protégé, son « obligé », n’était pas franc du collier et pouvait avoir des arrière-pensées parricides.

Mais François Hollande, à l’évidence, n’est pas qu’un Machiavel au petit pied, un Machiavel de préfecture de province qui s’imagine que sa rondeur bonhomme suffit à dissimuler ses intentions. En fait, c’est aussi une sorte de monsieur Jourdain, qu’on peut abuser avec des boniments et des simagrées de mamamouchi.

J’ignore si François Hollande a lu Shakespeare, et notamment Julius Caesar. S’il l’a lu, il n’a sans doute pas prêté attention à cette petite réplique de César dans la scène 2 du premier acte :

« Let me have men about me that are fat,

(je veux être entouré d’hommes gras

Slick-headed men and such as sleep a-nights.

(au visage luisant et bons dormeurs.

Young Cassius has a lean and hungry look.

(Le jeune Cassius a l’air maigre et affamé

He thinks too much. Such men are dangerous. »

(il pense trop. De tels hommes sont dangereux.)

Tout était écrit.

Cette candidature sonne un peu comme un coup de grâce. « Macron m’a tuer », pourra écrire Hollande dans son prochain livre : j'ai l'impression qu'il ne va pas tarder à avoir du temps libre pour se consacrer à la prose...

Partager cet article
Repost0
Published by old-labazou - dans ACTUALITE

Présentation

  • : Old-Labazou ne sait pas tout, n'a pas réponse à tout, mais il s'en fout...
  • : Un peu de style, si possible ; un peu de réflexion personnelle, pour échapper à l'unanimisme lénifiant ; un peu de mauvaise foi pour secouer le cocotier du conformisme et du marketing ambiant ; mais pas en forçat du blog, à mon rythme, quand j'en ai envie et quand mon point de vue me semble suffisamment "différent" ou décalé.
  • Contact

Recherche

Liens